L’intuition glaçante de Claude Lorius

Claude Lorius, explorateur polaire, pionnier de la glaciologie, a compris, dès les années 60 les relations des gaz à effet de serre et des climats. Lanceur d’alerte sur l’origine humaine des dérèglements actuels, il est décédé en mars 2023.

Le documentaire commence par l’écoute d’un enregistrement de glace de mer enregistré par Aline Pénitot, il y a dix ans, dans le fjord gelé d’Illulissat au Groenland. Avec la disparition progressive du glacier, ce son ne pourrait actuellement plus être enregistré. Le documentaire se termine par l’écoute de bulles d’air qui s’échappent d’une carotte de glace de 100 000 ans. Une carotte d’Antarctique étudiée au laboratoire des géosciences de l’environnement de Grenoble, fondé par Claude Lorius.

Claude Lorius est l’un des scientifiques les plus intuitifs de sa génération. Tout jeune chercheur, avide d’aventures, il répond à une annonce placardée sur les murs de Besançon. Il se retrouve sur le Norsel, un phoquier puant… en direction de l’Antarctique. Il savait alors à peine où se trouvait le continent blanc dont on ne connaissait d’ailleurs que très peu de choses. Il participe ainsi au premier hivernage en Antarctique lors de l’année géophysique internationale en 1957. Sa première grande découverte aura été de permettre de reconstituer la température de la neige au moment de sa chute. Nous ne savions alors rien de la température des pôles.

Pionnier de la recherche sur les glaces des pôles, il participera ensuite à plus de 22 expéditions dans les milieux extrêmes. Lors de son second hivernage, il va avoir une intuition déterminante pour la compréhension de la machine climatique. En plongeant des glaçons dans un Whisky, il observe que des bulles d’air se mettent à pétiller. La glace ancienne qui se trouve en Antarctique capture donc l’atmosphère du passé. Il faudra attendre plusieurs décennies de recherche pour que trois articles sortent dans Nature : les liens entre l’évolution du pourcentage du dioxyde de carbone dans l’air et l’évolution des climats sur 150 000 ans sont sans ambiguïté. Il démontre alors l’influence humaine sur l’évolution du climat depuis le début de l’air industrielle.

Comme en témoignent ses compagnons de route, Jean Jouzel ou Jérôme Chappellaz, il est aussi un scientifique des plus attachants, il a su rassembler autour de lui une communauté de scientifiques polaires internationaux.

« Il y a deux façons de raconter cet épisode-là. L’aventurière d’abord : le froid incroyable, les sacs de couchage couverts du givre de nos respirations, les pensées bloquées par le gel, 2 500 kilomètres à travers l’inlandsis, découvrant une chaîne de montagnes inexplorées (…) Et puis il y a la manière scientifique de raconter tout ça : géodésie pour fournir les repères géographiques, mesure des altitudes, détermination des épaisseurs de glace par prospections gravimétriques et sismiques, stations glaciologiques, données météorologiques… » Raconte-t-il dans Voyage dans l’Anthropocène co-écrit avec le journaliste Laurent Carpentier.

Claude Lorius a disparu à 91 ans, au lendemain de la publication du rapport du Giec 2023.

Un documentaire d’ Aline Penitot , réalisé par Gilles Blanchard .

Avec :

Jean Jouzel, glaciologue, paléoclimatologue, figure emblématique de la lutte contre le réchauffement climatique, vice-président du groupe d’expert n°1 du Giec, membre de l’académie des sciences de France, d’Italie, de d’Europe et des Etats-Unis. Lauréat du prix Vetlesen, considéré comme l’équivalent du prix nobel pour les sciences de la Terre.

Jérôme Chappellaz, paléoclimatologue, directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, ancien Directeur de l’Institut polaire Paul Emile Victor, Président de la fondation Ice Mémory

Laurent Carpentier, journaliste au Monde, co-auteur avec Claude Lorius de Voyage dans l’Anthropocène, publié chez Actes Sud.

Anne-Christine Clottu-Vogel, Ancienne secrétaire générale de l’Académie suisse des sciences naturelles, Présidente de nombreuses institutions pour développement durable et social, compagne de Claude Lorius.

Lecture : Hervé Pierre, ancien sociétaire de la comédie française.

Prise de son : Delphine Bodet

Stagiaire : Myriad Izar

Mixage : Antoine Voissat

Merci à : Gregory Teste, Institut des géosciences de l’environnement, Grenoble

Documentation : Annelise Signoret

Musiques :

Vikingur Olafsson – The bird as prophet

Tortoise – A lazarus Taxon

Vikingur Olafson – Reflexion – Drowned Haiku